An 0, année de référence. Voilà 54 années que la paix règne sur tout le continent et que les peuples travaillent ensemble à l'édification d'un nouvel ordre mondial. Partout dans les grandes places portuaires de l'Empire ou de la Fédération, on construit des vaisseaux capables de traverser les mers et les océans. Partout on s'enthousiasme des futures découvertes, des nouvelles terres. La guerre entre les deux races semble révolue, lointain fléau à jamais banni de ce monde. Rileniens et Garons ouvrent leur territoire les uns aux autres, facilitant les échanges, améliorant la compréhension de chacun, et partageant un but commun: la ruée vers l'Océan.

Les blessures du dernier conflit sont pansées, et une nouvelle génération qui n'a pas vécu la guerre autre que dans les récits effrayés de leurs parents ou arrière-grands parents évolue maintenant parmi les deux puissances. La haine, la méfiance, la jalousie malsaine envers l'autre n'existe que dans le cœur d'une minorité de toute manière exclue de la société. Les armées ne sont plus que l'ombre de ce qu'elles étaient par le passé. L'Empire, tout comme la Fédération n'en entretiennent qu'un nombre purement symbolique surtout destiné à parader et à maintenir l'ordre public en cas de soulèvement quelconque. Une révolte paysanne, un noble mal inspiré, par exemple. Mais ceci reste très isolé. En vérité, en cet été de l'année 0, on pourrait, et à raison, voir arriver à grands pas un second âge d'or, le premier s'étant terminé il y a 800 ans. Et au vu du nouvel état d'esprit des deux races, nul doute que celui-ci durerait encore plus longtemps que le précédent. Les Hommes l'avaient bien mérité, après tout.

27 août, année 0, 10h00 du matin, Empire. Des larmes infinies coulent sur les joues rondelettes d'une enfant de quatre ans. Les genoux baignant dans la boue, une main serrant son petit coude meurtri, tandis que du sang file le long de ses lèvres, elle regarde sans  comprendre le corps sans vie de son père dont il ne reste que le torse, une moitié de tête et un bras. Elle pleure encore et encore, les yeux rivés sur le cadavre d'un être regretté. Celui-là même qui jouait avec elle quelques minuscules minutes auparavant. Ce père aimant qui l'avait élevé seul après la mort en couche d'une mère qu'elle n'avait pas connue, et qu'il lui avait décrit comme une fée invisible veillant constamment sur eux. L'enfant ne comprenait pas. Elle faisait peut-être un mauvais rêve? Papa viendrait la rassurer en lui racontant une histoire rigolote. Et la fée maman viendrait punir ce mauvais rêve pour qu'il ne revienne plus.

Le ciel matinal perdait peu à peu ses couleurs, et une teinte rougeâtre s'avançait, menaçante, annonciatrice de bouleversements majeurs. La petite enfant ferma les yeux de toutes ses forces, murmurant une histoire que son papa lui racontait. Sa tête lui tournait, sa gorge lui grattait. Elle laissa peu à peu son petit corps s'affaisser. Tout autour d'elle les bâtiments s'enflammaient, et une fumée lourde et noire envahissait les environs. Les survivants se bousculaient entre eux, rajoutant à la pagaille. Un petit nombre d'individus essayait tant bien que mal d'aider les autres pour les diriger vers la sortie de la ville, mais leurs efforts se retrouvaient ruinés par les comportements affolés et égoïstes des personnes qu'ils tentaient de secourir. 27 août, année 0, 10h00 du matin, Empire. Une âme innocente rejoignait ses parents.

Les deux puissances sont soudain plongées dans un chaos sans nom. D'innombrables débris tombent du ciel, de petite, moyenne et grande taille, sur tout le continent. Des incendies se déclarent un peu partout, le ciel prend une couleur rougeâtre durant plus de trois jours. Près de 320 000 personnes meurent à cause de ces morceaux qui ravagent le continent, explosent au contact du sol et inondent les alentours d'éclats meurtriers. Des liquides incolores giclent de ces fragments, et aspergent les hommes et les femmes qui ont le malheur de se trouver là. D'inquiétantes vapeurs s'élèvent des trous béants provoqués par la chute des objets célestes, rajoutant davantage d'horreur au spectacle apocalyptique. L'Empire et La Fédération sont plongés dans de forts troubles à l'ordre public par des foules terrifiées et ayant soudain tout perdu, aussi bien leurs croyances que leurs biens. Les principaux nœuds commerciaux s'effondrent en un instant alors qu'une grande partie des cités principales brûlent parfois tout-à-fait. Des masses entières se retrouvent obligées de lutter pour leur propre survie, et l'on assiste à la renaissance de comportements barbares à travers tout le continent. L'économie si dépendante de la santé des deux puissances menace de s'effondrer sans délai. Ainsi, c'est tout un monde qui se retrouve en péril.