Juramone a su faire en sorte de réconcilier les deux races ennemies dès la cessation des hostilités en -54. Ses citoyens, rejetant les divers mouvements religieux tout comme la concurrence raciale, amenèrent une ère de richesses si fructueuse que rien ni personne ne pouvait remettre en cause ce mode de fonctionnement. Cependant, l'Evénement a jeté de nombreux réfugiés dans les bras de Juramone, réfugiés qui ne partagent pas le mode de pensée de la Cité-Etat. Ceux-ci ont été une ressource démographique nécessaire et ont permis de sauvegarder ce phare de la civilisation, mais ont également distillé une culture étrangère à celle que Juramone avait créé de toute pièce depuis son indépendance. Etrangère non pas par son côté inédit ou méconnu, puisque les habitants de la Cité sont les descendants directs de cette culture. Non, étrangère parce synonyme d'apports idéologiques jugés dépassés par cette nouvelle civilisation que Juramone promouvait. A cause de cela, diverses petites tensions sans conséquences se sont déclenchées un peu partout. Jusqu'à maintenant elles se limitent à des échauffourées très réduites par le nombre de personnes impliquées et le nombre de morts très restreint. Assez peu pour passer inaperçues. Les Juramonais savent qu'ils ont tout à perdre si des troubles internes venaient à éclater, et chacun se garde bien de causer ce genre de problème.

Mais on ne refait pas un monde, et plusieurs personnages représentatifs de leur race tentent par des moyens subversifs de s'attirer les faveurs de l'Oligarchie pour leur propre peuple. Corruption et pots-de-vin ont toujours été courant. En effet, chacun tente de rassembler le maximum de pouvoir entre ses mains. C'est un comportement naturel pour ceux qui commencent à goûter au pouvoir. Sauf qu'un changement réel est en train de s'opérer, et maintenant ce n'est plus que pour ses petits intérêts personnels que l'on agit, mais aussi et surtout pour donner l'ascendance à sa race sur la concurrente. Sans compter le fait que la situation géopolitique a été totalement bouleversée, ce qui a réveillé quelques sentiments de compétition raciale tout autant susceptibles de tirer la Cité-Etat vers le haut grâce aux actions de personnages sages et réfléchis, que vers le bas, si cela est mal négocié et dirigé par des hommes et des femmes peu inspirés.

Aussi assistons-nous à un bouleversement progressif de la culture Juramonaise qui, au final, avait moins d'un siècle à l'effondrement des deux puissances séculaires. L'Oligarchie elle-même n'est pas épargnée, puisqu'une petite partie de ses membres a abandonné sa neutralité pour adopter la même volonté de prédominance de leur peuple. La coopération est certes encore à l'ordre du jour, et la grande majorité des habitants agissent entre eux avec sincérité, ouverture d'esprit, compétitivité saine. Mais Juramone compte désormais à l'intérieur de ses murailles d'autres personnes qui pensent tout autrement, à la différence des années post-traité des nations et pré-Evénement. A l'avenir, Garons et Rileniens risquent de tomber à nouveau dans une course vers la domination. La question étant de savoir si cette prise de contrôle se fera sans effusions de sang excessives ou non.

Particularité unique dans le fonctionnement de ce nouveau monde, Juramone, par le plus grand des paradoxes, a conservé le système d'esclavage, et "ses" Lortins sont la copie conforme de ce qu'ils furent dans la Fédération ou l'Empire. A l'exception près qu'une petite centaine a trouvé le chemin de la liberté et le moyen de vivre comme tout être Humain; grâce notamment aux premières années de l'accès à l'indépendance de Juramone et des accomplissements majeurs de certains d'entre eux. Mis à part ces quelques rares privilégiés, les Lortins sont regroupés comme du bétail dans le quartier des esclaves et vendus aux enchères chaque jour qui passe. Leur vie est moins considérée que celle d'un animal domestique aimé, et ils récupèrent bien souvent les tâches les plus rébarbatives, déshonorantes et éreintantes de la Cité. Signe d'un changement notable, quelques Garons et Rileniens ont manifesté leur profond dégoût envers ce traitement inhumain. Chaque année passant leur mouvement voit grossir ses rangs. Cependant, la liberté des Lortins n'est pas pour demain. En effet, la plupart des habitants considère cet état de fait comme un héritage culturel voir comme un ordre naturel des choses, qui n'a pas à être remit en question, et surtout pas par les Lortins libres.

La ZN suit au pied de la lettre les différentes directives édictées par la Cité-Etat, consciente de bénéficier de sa protection vis-à-vis du monde extérieur qu'un certain nombre d'habitants ont eu le malheur de palper avant leur arrivée en ces lieux pleins d'espoir. Ce respect des lois et l'acception à l'intégration d'un ensemble dont Juramone est le tout n'empêche pas toutefois quelques initiatives personnelles faisant sortir leurs auteurs hors du cadre de la loi. Economie souterraine, non-déclaration de certaines richesses, expansion personnelle discrète au mépris des principes plutôt altruiste Juramonais, etc... La ZN présente une multitude de personnages tous aussi différents les uns des autres, et cela même au sein d'une même race.

Rileniens et Garons s'entendent copains comme cochons du moment que chacun y trouve son compte, dans ses affaires et dans son quotidien. Les frictions raciales sont inexistantes, remplacées par des tensions mesquines portées au niveau de l'individu, et non d'un groupe. Cette situation s'est imposée presque de facto à l'issue des premiers conflits entre réfugiés et résidants entre l'an 0 et l'an 44. Suite à cela, la ZN a muté vers un état similaire à ce que les lieux ruraux de l'ancien Empire et l'ancienne Fédération avaient été, avec un certain dégoût pour le soulèvement armée afin de revendiquer telle ou telle amélioration. La Première Bordure fait bien trop peur aux habitants de la ZN (et Juramone cultive cet état de fait) pour qu'ils osent provoquer des catastrophes démographiques ou structurelles. De plus, la Cité, d'elle-même, a amélioré avec talent les conditions de la vie paysanne depuis les années 20. Des mariages ont fleuri un peu partout entre Garons et Rileniens (chose encore assez mal vu dans la Cité) et les deux peuples se sont considérablement rapprochés. Il n'est pas rare de voir des exploitations agricoles ou minières dirigées par des entrepreneurs Garons et Rileniens travaillant de concert. Pour résumer, la coopération entre les deux espèces que prônent Juramone fonctionne mieux encore en dehors de ses murs. La ZN est le symbole utopique de ce qu'aurait pu devenir le continent si l'Empire et la Fédération avaient réussi à s'unir en une seule et unique nation.

Cependant, comme toujours, le tableau n'est pas idyllique, et la ZN, possession de Juramone, cultive l'esclavage des Lortins. C'est d'ailleurs sur ses terres que se trouve le Parc des Lortins, qui fait office de zone de reproduction contrôlée avant qu'ils ne soient transférés au quartier des esclaves de Juramone pour y être vendus. De plus, la condition des Lortins dans la Zone Neutre est encore plus déplorable qu'à l'intérieur de la Cité, où au moins leur propriétaire en prennent soin un minimum. Ici, le dicton "marche ou crève" n'a jamais aussi bien servi. Bien plus que ceux qui ont eu la "chance" d'avoir été achetés pour servir en ville, les Lortins affectés à la ZN ne deviennent rien de plus que des bêtes au potentiel intellectuel très limité incapables de construire la moindre réflexion. Ils ne sont que des animaux domestiqués pour remplir une fonction particulière qu'ils feront jusqu'à leur mort. Mort qui arrive parfois bien vite.

Indépendamment de ceci, en parcourant ces lieux ruraux, on peut ressentir une certaine distance entre les citadins et les paysans. Non pas qu'il y ait de la haine, mais plutôt une certaine incompréhension, voire mépris. Des deux côtés. A voir comment ceci évoluera. Mais il est clair que Juramone a tout intérêt à communiquer régulièrement avec ses terres et ses résidants. Entre eux les ruraux se moquent de ces grands messieurs et grandes dames de la Cité, et font parfois des blagues de fort mauvais goût. Ces gens ne sont pas des barbares, loin de là, mais si un citadin a la bêtise de s'aventurer seul et appareillé de façon ostentatoire à travers la ZN, il risque fort de rencontrer quelques mésaventures et humiliation. Sans pour autant être blessé physiquement. Il serait vraiment sage qu'un membre de l'Oligarchie décide de resserrer les liens entre la ville et la campagne.