Voilà 1812 années que Rileniens, Garons et Lortins ne se sont pas étripés, nouant nombre d'accords bénéfiques qui renforcèrent les échanges culturels entre les peuples, permettant de ce fait une certaine uniformisation des différentes connaissances auparavant propre à chacun. Les nombreux royaumes au sein des races naissent puis disparaissent sous l'action de combats sporadiques sans réel impact sur la croissance démographique. Au fil du temps de solides royaumes se constituent. Puis vint le jour ou il sembla que les affrontements armés étaient révolus. Même parmi les Rileniens, peuple pourtant si prompt à guerroyer. Au printemps -800, le continent goûtait encore allégrement à un état apaisé bien mérité, et cela depuis plus de deux siècles. Les réalisations architecturales, les créations artistiques, l'urbanisation, l'astronomie, la médecine, l'ascendance des Hommes sur leur environnement, tout ceci prévoyait un avenir luxueux pour un continent entier.

En effet, ayant chacun résolu leurs conflits internes, Lortins et Garons se voient prospérer de façon exponentielle à chaque siècle qui s’écoule. L'inconscience collective des gens de l'époque voit alors cette situation comme acquise, éternel état de fait appelé à perdurer jusqu'à la fin des temps. Et ils le pensaient tous sincèrement. Malheureusement ce développement séculaire amena un jour son lot de conséquences, comme pour rappeler que rien n'était immuable. Que tout, un jour, se doit d'être assumé.

Bientôt, leurs besoins dépassent la capacité productive de leurs possessions actuelles, et la nécessité de conquérir d’autres territoires se fait pressante, personne ne souhaitant couper court à l'extraordinaire croissance connue depuis des générations. Des armées, d'un côté comme de l'autre, sont levées. Des fortifications élevées de terre. L'économie entière est alors concentrée dans l'effort de réarmement des royaumes, aussi bien Lortins que Garons. Malgré les efforts de plusieurs personnalités d’un côté comme de l’autre, qui ne sauront guère convaincre par leurs propos naïfs et jugés déconnectés de la réalité, les puissances Garones s'associent pour déclarer la guerre aux états Lortins. Ces derniers, rompant avec leur culture ancestrale, mobilisèrent leurs républiques (en réalité des états principalement commerçants chacun gouvernés par une Oligarchie noble de plusieurs dizaines d'individus) pour se porter à la rencontre de leurs agresseurs. Ayant chacune opérée une montée en puissance de leur potentiel militaire en prévision de ces hostilités, les deux races protagonistes dans cet affrontement se retrouvaient, en théorie, aussi bien préparée l'une que l'autre.

C'est donc à l'été -800 qu'éclate ce qui sera appelé plus tard « La Guerre de Kirkibron », du nom de la cité commune, nœud vital des échanges économiques et culturels des deux races depuis -4380 ainsi que représentation symbolique et millénaire d’un partenariat florissant. Les Garons sont bien conscients d'une chose: cette guerre est l'essai à un coup en mesure de les imposer en superpuissance sur le continent pour rivaliser seuls face aux Rileniens. Il faut être efficace, et très rapide. Perdre les premiers engagements c'est s'assurer de s'embourber dans un conflit qui donnera aux Rileniens toutes les cartes en main pour les abattre, eux, et les Lortins.

Les hostilités sont déclenchées lors de l'intrusion nocturne de 600 cavaliers Garons dans les faubourgs de Kirkibron (que les Lortins pensaient, un peu bêtement, rester en dehors des batailles grâce à sa soi-disante neutralité). Verrouillant très rapidement tout accès à la ville et aidés par nombre de leur congénères au sein même de la cité, ils firent main basse sur toutes les infrastructures vitales de la Ville. Non fortifiée, Kirkibron tombe comme un fruit mûr et se fait annexer manu militari par les Garons. Ces derniers en profitent pour proclamer dans la ville nouvellement conquise, et au cours d'une cérémonie ostentatoire dans le Palais du commerce, la Fédération Garone, royaume unifié des régions occupées par leur race. Tandis que cette cérémonie a lieu, et selon le plan établi par les stratèges Garons, qui ont tant et si bien exploité la naïveté des Lortins pendant les années d'avant-guerre qu'on aurait pu les penser Rileniens, une armée Lortine tombe dans une embuscade sur son propre territoire, et se fait anéantir sans aucune pitié. Plusieurs soldats Garons en garderont nombre de séquelles psychologiques par la suite, et à la fin de la guerre, hypocritement, la nouvelle Fédération Garone accusera (tout en leur offrant une retraite dorée) les officiers les plus âgés ayant "ordonné" le massacre.

Suite à ces deux chocs d'une ampleur sans antécédent, la guerre contre les Rileniens ayant été bien moins traumatisante, les Lortins cèdent à la panique et les grandes organisations marchandes en appellent à la cessation des hostilités, quelles que soient les concessions imposées. Les républiques envoyèrent leurs représentants à Kirkibron afin de tenter de minimiser au mieux les éventuelles demandes des vainqueurs.

Les Garons firent traîner les négociations et abusèrent de la crédulité des Lortins. Entretemps, leurs armées, soutenues par un système de corps d'éclaireurs particulièrement compétents, prirent en nasse les troupes Lortines en train de se regrouper. Le but des Garons était double: démontrer aux Rileniens leur niveau de perfectionnement, et couper court à tout potentiel refus des Lortins à propos des conditions de l'accord de paix.

Les vaincus, conscients du piège qui s'était refermé sur eux, complétement dépassés par les événements et réticents à guerroyer davantage, déposèrent les armes puis se soumirent aux conditions des Garons. La guerre aura duré trois mois, consommant un total de 15 000 vies, pour l'essentiel Lortines. Une victoire si totale et si rapide porta comme un coup de tonnerre sur tout le continent. Les Rileniens avaient prévu de profiter de cette guerre pour retirer leur part du gâteau, mais celle-ci se terminait déjà avant même que leurs troupes ne soient en état de guerroyer. Tout était allé si vite. Les Rileniens proclamèrent L'Empire, en réponse à la Fédération Garone. Déjà l'on sentait la grande faucheuse prendre place pour assister au grand choc des deux puissances. Quant aux Lortins, ils perdirent un sixième de leur territoire, dont deux Cités sur douze, sans compter Kirkibron qui devenait une ville Garone à part entière. La Fédération Garone s'impose alors à cette époque comme la première puissance continentale, de peu, aux dépends des Rileniens.

Dans un premier temps, les Lortins conquis sont bien traités par leurs envahisseurs. Ils sont intégrés au sein de la Fédération comme n'importe quel autre citoyen Garon, malgré plusieurs restrictions, dont le fait qu'ils soient cloisonnés dans leur ville d'origine. Mis à part cela, ils peuvent continuer à vivre, à commercer, et à prospérer, ce qui favorisa largement la collaboration... Jusqu'au 6ième siècle avant l'événement.

De -800 à -574, la Fédération et l'Empire grignotent petit à petit le territoire Lortin qui se réduit comme peau de chagrin. Néanmoins les deux protagonistes prennent bien garde à ne pas enclencher de guerre avec l'autre. En -574, les Lortins cessent officiellement d'exister. Leurs anciennes possessions territoriales sont partagées entre leurs deux grands ennemis et leur passé culturel jeté dans le gouffre de l'oubli. Les deux civilisations régnantes sont alors à l'apogée de leur puissance.